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LA BONNE

et assommer les passans ; il pendait lui-même les criminels ; il se réjouissait à leur faire du mal. Quand une bonne maman aimait bien sa petite fille ou son petit garçon, il l’envoyait querir, et devant elle il lui rompait les bras ou lui tordait le cou. On nommait ce royaume le pays des Larmes.

Le méchant roi entendit parler de la satisfaction du roi Joyeux ; il devint si jaloux du bonheur de ce prince, qu’il résolut de rassembler une forte armée, afin d’aller dévaster ses états.

Lorsque tout fut prêt, il s’avança vers le pays du roi Joyeux. À ces mauvaises nouvelles il se mit promptement en défense ; la reine mourait de peur, elle lui disait en pleurant : « Sire, il faut nous enfuir : tâchons d’avoir bien de l’argent, et nous en allons tant que terre nous pourra porter. » Le roi répondait : « Fi, madame, j’ai trop de courage ; il vaudrait mieux mourir que d’être un poltron. » Il ramassa tous ses gens d’armes, dit un tendre adieu à la reine, monta sur un beau cheval et partit.

Quand elle l’eut perdu de vue, elle se mit à pleurer douloureusement, et joignant ses mains, elle disait : « Hélas ! je suis grosse ; si le roi est tué à la guerre, je serai veuve et prisonnière, le méchant roi me fera dix mille maux. » Cette pensée l’empêchait de manger et de dormir. Il lui écrivait tous les jours ; mais un matin qu’elle regardait par-dessus les murailles, elle vit venir un courrier qui courait de toute sa force, elle l’appela : « Ho, courrier, ho, quelle nouvelle ?