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PETITE SOURIS.

— Le roi est mort, s’écria-t-il, la bataille est perdue, le méchant roi arrivera dans un moment. »

La pauvre reine tomba évanouie ; on la porta dans son lit, et toutes ses dames étaient autour d’elle, qui pleuraient, l’une son père, l’autre son fils ; ils s’arrachèrent les cheveux, c’était la chose du monde la plus pitoyable.

Voilà que tout d’un coup l’on entend, au meurtre et au larron ; c’était le méchant roi qui arrivait avec tous ses malheureux sujets, ils tuaient pour oui et pour non, ceux qu’ils rencontraient. Il entra tout armé dans la maison du roi, et monta dans la chambre de la reine. Quand elle le vit entrer, elle eut si grand’peur, qu’elle s’enfonça dans son lit, et mit la couverture sur sa tête. Il l’appela deux ou trois fois, mais elle ne disait mot : il se fâcha, bien fâché, et dit : « Je crois que tu te moques de moi, sais-tu que je peux t’égorger tout à l’heure ? » Il la découvrit, lui arracha ses cornettes, ses beaux cheveux tombèrent sur ses épaules ; il en fit trois tours à sa main, et la chargea dessus son dos comme un sac de blé : il l’emporta ainsi, et monta sur son grand cheval, qui était tout noir. Elle le priait d’avoir pitié d’elle, il s’en moquait et lui disait : « Crie, plains-toi, cela me fait rire et me divertit. »

Il l’emmena dans son pays, et jura pendant tout le chemin qu’il était résolu de la pendre ; mais on lui dit que c’était dommage, et qu’elle était grosse.

Quand il vit cela, il lui vint dans l’esprit que


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