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PETITE SOURIS.

elle. » À ce mot la fée ne douta plus de la vérité ; et lui jetant les bras au cou, elle pensa la manger de caresses ; puis elle lui dit : « Joliette, je vous connais il y a long-temps, je suis bien aise que vous soyez si sage et si bien apprise ; mais je voudrais que vous fussiez plus propre, car vous ressemblez à une petite souillon ; prenez les beaux habits que voilà, et vous accommodez. »

Joliette, qui était fort obéissante, quitta aussitôt le torchon gras qu’elle avait dessus la tête, et la secouant un peu, elle se trouva toute couverte de ses cheveux, qui étaient blonds comme un bassin, et déliés comme fil d’or ; ils tombaient par boucles jusqu’à terre ; puis prenant dans ses mains délicates de l’eau à une fontaine, qui coulait proche le poulailler débarbouilla le visage, qui devint aussi clair qu’une perle orientale. Il semblait que des roses s’étaient épanouies sur ses joues et sur sa bouche ; sa douce haleine sentait le thym et le serpolet ; elle avait le corps plus droit qu’un jonc ; en temps d’hiver, l’on eût pris sa peau pour de la neige ; en temps d’été, c’était des lis.

Quand elle fut parée des diamans et des belles robes, la fée la considéra comme une merveille ; elle lui dit : « Qui croyez-vous être, ma chère Joliette, car vous voilà bien belle ? » Elle répliqua : « En vérité il me semble que je suis la fille de quelque grand roi. En seriez-vous bien aise ? dit la fée. — Oui, ma bonne mère, répondit