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LE MOUTON.

eu que cette intention ? — J’avais celle de vous plaire, dit la princesse, il me semble que je n’en dois point avoir d’autres. » Le roi qui l’aimait, trouva l’affaire si bien accommodée, qu’il dit que ce petit tour d’esprit lui plaisait, et qu’il y avait même de l’art à n’avoir pas déclaré tout d’un coup sa pensée. « Or ça, dit-il, j’ai bien soupé, je ne veux pas me coucher sitôt, contez moi les rêves que vous avez faits la nuit qui a précédé mon retour. »

L’aînée dit qu’elle avait songé qu’il lui apportait une robe dont l’or et les pierreries brillaient plus que le soleil. La seconde, qu’elle avait songé qu’il lui apportait une robe et une quenouille d’or pour lui filer des chemises. La cadette dit qu’elle avait songé qu’il mariait sa seconde sœur, et que le jour des noces, il tenait une éguière d’or, et qu’il lui disait : « Venez, Merveilleuse, venez, que je vous donne à laver. ».

Le roi indigné de ce rêve, fronça le sourcil, et fit la plus laide grimace du monde : chacun connut qu’il était fâché. Il entra dans sa chambre, il se mit brusquement au lit : le songe de sa fille lui revenait toujours dans la tête. « Cette petite insolente, disait-il, voudrait me réduire à devenir son domestique ! Je ne m’étonne pas si elle prit la robe de satin blanc, sans penser à moi ; elle me croit indigne de ses réflexions ; mais je veux prévenir son mauvais dessein avant qu’il ait lieu. »

Il se leva tout en furie, et quoiqu’il ne fût pas encore jour, il envoya querir son capitaine des