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LE MOUTON.

moder ; une centaine de moutons parés étaient autour de lui, qui ne paissaient point l’herbe mais les uns prenaient du café, du sorbet, des glaces, de la limonade, les autres des fraises, de la crème et des confitures. Les uns jouaient à la bassette, d’autres au lansquenet ; plusieurs avaient des colliers d’or enrichis de devises galantes, les oreilles percées, des rubans et des fleurs en mille endroits. Merveilleuse demeura si étonnée, qu’elle resta presqu’immobile. Elle cherchait des yeux le berger d’un troupeau si extraordinaire, lorsque le plus beau mouton vint à elle, bondissant et sautant. « Approchez, divine princesse, lui dit-il, ne craignez point des animaux aussi doux et aussi pacifiques que nous. — Quel prodige ! des moutons qui parlent ! — Ha ! madame, reprit-il, votre guenon et votre doguin parlaient si joliment ; avez-vous moins de sujet de vous en étonner ? Une fée, répliqua Merveilleuse, leur avait fait don de la parole, c’est ce qui rendait le prodige plus familier. — Peut-être qu’il nous est arrivé quelque aventure semblable, répondit le mouton en souriant à la moutonne. Mais ma princesse, qui conduit ici vos pas ? — Mille malheurs, seigneur Mouton, lui dit-elle, je suis la plus infortunée personne du monde, je cherche un asile contre les fureurs de mon père. — Venez madame, répliqua le mouton, venez avec moi, je vous en offre un qui ne sera connu que de vous, et vous y serez la maîtresse absolue. Il m’est impossible de vous suivre, dit Merveilleuse je suis si lasse que j’en mourrai. »