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LE MOUTON.

Le mouton aux cornes dorées commanda qu’on fût querir son char. Un moment après on vit venir six chèvres attelées à une citrouille d’une si prodigieuse grosseur, que deux personnes pouvaient s’y asseoir très-commodément. La citrouille était sèche, il y avait dedans de bons carreaux de duvet et de velours partout. La princesse s’y plaça, admirant un équipage si nouveau. Le maître mouton entra dans la citrouille avec elle, et les chèvres coururent de toutes leurs forces jusqu’à une caverne dont l’entrée se fermait par une grosse pierre.

Le mouton doré la toucha avec son pied, aussitôt elle tomba. Il dit à la princesse d’entrer sans crainte ; elle croyait que cette caverne n’avait rien que d’affreux, et si elle eût été moins alarmée, rien n’aurait pu l’obliger de descendre ; mais dans la force de son appréhension, elle se serait même jetée dans un puits.

Elle n’hésita donc pas à suivre le mouton qui marchait devant elle : il la fit descendre si bas, si bas, qu’elle pensait aller tout au moins aux antipodes ; et elle avait peur quelquefois qu’il ne la conduisît au royaume des morts. Enfin elle découvrit tout d’un coup une vaste plaine émaillée de mille fleurs différentes, dont la bonne odeur surpassait toutes celles qu’elle avait jamais senties ; une grosse rivière d’eau de fleurs d’oranges coulait autour, de fontaines de vin d’Espagne, de Rossoli, d’Hypocras et de mille autres sortes de liqueurs formaient