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DON FERNAND DE TOLÈDE.

vos yeux servent mal votre cœur ! Quoi ! vous n’avez pas encore remarqué que ce Maure, qui ne vous a point quitté, est dom Jaime, et que l’autre qui m’a parlé, est dom Fernand ? — Cela est-il possible ? s’écria Matilde ; me dites-vous vrai, ma sœur ? mais, continua-t-elle, l’attention qu’il a eue à me regarder, et mes pressentimens ne me permettent pas d’en douter. »

Dans le moment qu’elles se rapprochaient d’eux, elles entendirent que la comtesse leur proposait d’entrer dans le jardin, où elle avait fait faire une illumination que l’on apercevait au fond d’un bois assez éloigné, et qui produisait un effet charmant. Toute la compagnie passa d’abord dans une longue allée qui était renfermée d’un double rang de canaux ; les jasmins entrelacés avec les orangers et les chèvre–feuilles, formaient au bout un grand cabinet ouvert de plusieurs côtés ; une fontaine s’élevait au milieu et retombait sur elle-même avec un doux murmure ; elle animait les rossignols à faire plus de bruit qu’elle. Chacun se récria que ce cabinet était le vrai séjour des plaisirs ; on s’y plaça sur des siéges de gazon, l’on servit des eaux glacées, du chocolat et des confitures attendant l’heure du souper ; et comme la comtesse cherchait à divertir les Maures, et que les contes de fées étaient fort à la mode, elle dit à dona Léonore de raconter celui qu’on lui avait appris depuis peu. Cette belle fille n’osa s’en défendre, sa mère ne l’avait pas élevée sur le pied d’éluder le moindre de ses ordres ; elle commença aussitôt en ces termes :