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LE NAIN

seulement son panier, le gâteau n’y était plus : et pour comble de malheur, elle entendit les grands lions venir, qui faisaient beaucoup de bruit, car ils l’avaient sentie.

« Hélas ! que deviendrai-je ? s’écria-t-elle douloureusement ; je serai dévorée. » Elle pleurait, et n’ayant pas la force de faire un pas pour se sauver, elle se tenait contre l’arbre où elle avait dormi. En même temps elle entendit : Chit, chit, hem, hem. Elle regarde de tous côtés ; en levant les yeux, elle aperçoit sur l’arbre un petit homme qui n’avait qu’une coudée de haut ; il mangeait des oranges et lui dit : « Oh ! reine, je vous connais bien, et je sais la crainte où vous êtes que les lions ne vous dévorent ; ce n’est pas sans raison que vous avez peur ; car ils en ont dévoré bien d’autres, et pour comble de disgrâce vous n’avez point de gâteau. — Il faut me résoudre à la mort, dit la reine en soupirant ; hélas ! j’y aurais moins de peine si ma chère fille était mariée ! — Quoi ! vous avez une fille ? s’écria le Nain Jaune (on le nommait ainsi à cause de la couleur de son teint, et de l’oranger où il demeurait) ; vraiment je m’en réjouis, car je cherche une femme par terre et par mer ; voyez si vous me la voulez promettre, je vous garantirai des lions, des tigres et des ours. » La reine le regarda, et elle ne fut guère moins effrayée de son horrible petite figure, qu’elle l’était déjà des lions ; elle rêvait et ne lui répondait rien. « Quoi ! vous hésitez, madame ? lui cria-t-il ; il faut que vous n’aimiez guère la vie. »