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GRACIEUSE

qu’elle était persuadée qu’il n’avait besoin de personne pour être informé de ce qui se passait, et qu’ainsi il pouvait le lui dire. « Venez donc avec moi, lui dit-il, dans la grande tour, et vous le verrez vous-même. » Là-dessus il la mena au haut d’une tour prodigieusement haute, qui était toute de cristal de roche, comme le reste du château : il lui dit de mettre son pied sur le sien, et son petit doigt dans sa bouche ; puis de regarder du côté de la ville. Elle aperçut aussitôt que la vilaine Grognon était avec le roi, et qu’elle lui disait : « Cette misérable princesse s’est pendue dans la cave ; je viens de la voir, elle fait horreur ; il faut vitement l’enterrer, et vous consoler d’une si petite perte. » Le roi se mit à pleurer la mort de sa fille. Grognon lui tournant le dos, se retira dans sa chambre, et fit prendre une bûche que l’on ajusta de cornelles, et bien enveloppée, on la mit dans le cercueil ; puis, par l’ordre du roi, on lui fit un grand enterrement, où tout le monde assista en pleurant, et maudissant la marâtre qu’ils accusaient de cette mort : chacun prit le grand deuil ; elle entendait les regrets qu’on faisait de sa perte, qu’on disait tout bas : « Quel dommage que cette belle et jeune princesse soit périe par les cruautés d’une si mauvaise créature ! Il faudrait la hacher, et en faire un pâté. » Le roi ne pouvant ni boire ni manger, pleurait de tout son cœur.

Gracieuse voyant son père si affligé : « Ah ! Percinet, dit-elle, je ne puis souffrir que mon