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LE NAIN

n’ai pas laissé de reconnaître au son de sa voix, que c’est la fée du Désert. — Ah ! seigneur, s’écria la fausse nymphe, si vous êtes entre les mains de cette femme, vous n’en sortirez point qu’après l’avoir épousée ; elle a fait ce tour à plus d’un héros, et c’est la personne du monde la moins traitable sur ses entêtemens. » Pendant qu’elle feignait de prendre beaucoup de part à l’affliction du roi, il aperçut les pieds de la nymphe qui étaient semblables à ceux d’un griffon ; c’était toujours à cela qu’on reconnaissait la fée dans ses différentes métamorphoses ; car, à l’égard de ce griffonage, elle ne pouvait le changer.

Le roi n’en témoigna rien, et lui parlant sur un ton de confidence : « Je ne sens aucune aversion, lui dit-il, pour la fée du Désert ; mais il ne m’est pas supportable qu’elle protège le Nain Jaune contre moi, et qu’elle me tienne enchaîné comme un criminel. Que lui ai-je fait ? j’ai aimé une princesse charmante ; mais si elle me rend ma liberté, je sens bien que la reconnaissance m’engagera à n’aimer qu’elle. — Parlez-vous sincèrement ? lui dit la nymphe déçue. — N’en doutez pas, répliqua le roi, je ne sais point l’art de feindre, et je vous avoue qu’une fée peut flatter davantage ma vanité, qu’une simple princesse ; mais quand je devrais mourir d’amour pour elle, je lui témoignerai toujours de la haine, jusqu’à ce que je sois maître de ma liberté. »

La fée du Désert, trompée par ces paroles,