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JAUNE.

pouvoir apporter aucun remède, quand, pour comble de disgrâce, il sentit que ses yeux se couvraient, qu’ils perdaient la lumière, et que quelqu’un d’une force extraordinaire l’emportait dans le vaste espace de l’air. Que de disgrâces ! Amour, cruel amour, est-ce ainsi que tu traites ceux qui te reconnaissent pour leur vainqueur ?

Cette mauvaise fée du Désert, qui était venue avec le Nain Jaune pour le seconder dans l’enlèvement de la princesse, eut à peine vu le roi des mines d’or, que son cœur barbare devenant sensible au mérite de ce jeune prince, elle en voulut faire sa proie, et l’emporta au fond d’une affreuse caverne, où elle le chargea de chaînes qu’elle avait attachées à un rocher ; elle espérait que la crainte d’une mort prochaine lui ferait oublier Toute-Belle, et l’engagerait de faire ce qu’elle voudrait. Dès qu’elle fut arrivée, elle lui rendit la vue sans lui rendre la liberté, et empruntant de l’art de féerie, les grâces et les charmes que la nature lui avait déniés, elle parut devant lui comme une aimable nymphe que le hasard conduisait dans ces lieux.

« Que vois-je ? s’écria-t-elle. Quoi ! c’est vous, prince charmant ? quelle infortune vous accable et vous retient dans un si triste séjour ? » Le roi déçu par des apparences si trompeuses, lui répliqua : « Hélas ! belle nymphe, j’ignore ce que me veut la furie infernale qui m’a conduit ici ; bien qu’elle m’ait ôté l’usage de mes yeux lorsqu’elle m’a enlevé, et qu’elle n’ait point paru depuis, je