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JAUNE.

Que tu ne parais à mes yeux.
Toute-Belle, ô destin barbare !
Je perds l’objet de mon amour !
Ô ciel, dont l’arrêt m’en sépare,
Pourquoi diffères-tu de me ravir le jour ?
Divinités des ondes,
Vous avez de l’amour ressenti le pouvoir ;
Sortez de vos grottes profondes
Secourez un amant réduit au désespoir.

Comme il écrivait, il entendit une voix qui attira malgré lui toute son attention, et voyant que les flots grossissaient, il regardait de tous côtés, lorsqu’il aperçut une femme d’une beauté extraordinaire, son corps n’était couvert que par ses longs cheveux, qui doucement agités des zéphirs, flottaient sur l’onde. Elle tenait un miroir dans l’une de ses mains, et un peigne dans l’autre, une longue queue de poisson avec des nageoires terminaient son corps. Le roi demeura bien surpris d’une rencontre si extraordinaire ; dès qu’elle fut à portée de lui parler, elle lui dit : « Je sais le triste état où vous êtes réduit par l’éloignement de votre princesse, et par la bizarre passion que la fée du Désert a prise pour vous ; si vous voulez je vous tirerai de ce lieu fatal où vous languirez peut-être encore plus de trente ans. » Le roi ne savait que répondre à cette proposition ; ce n’était pas manque d’envie de sortir de captivité, mais il craignait que la fée du Désert n’eût emprunté cette figure pour le décevoir. Comme il hésitait, la sirène qui devina ses pensées, lui dit : « Ne croyez pas que ce soit un piège que je vous tends, je suis