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LE NAIN

pour vous arracher des indignes mains qui vous retiennent captive ; ne refusez pas le secours du plus fidèle de tous les amans. » Il se jeta à ses pieds, et l’arrêtant par sa robe, il laissa malheureusement tomber sa redoutable épée. Le Nain Jaune qui se tenait caché sous une laitue, ne la vit pas plutôt hors de la main du roi, qu’en connaissant tout le pouvoir, il se jeta dessus et s’en saisit.

La princesse poussa un cri terrible en apercevant le Nain ; mais ses plaintes ne servirent qu’à aigrir ce petit monstre : avec deux mots de son grimoire, il fit paraître deux géans qui chargèrent le roi de chaînes et de fers. « C’est à présent, dit le Nain, que je suis maître de la destinée de mon rival ; mais je lui veux bien accorder la vie et la liberté de partir de ces lieux, pourvu que sans différer vous consentiez à m’épouser. — Ah ! que je meure plutôt mille fois, s’écria l’amoureux roi. — Que vous mouriez, hélas ! dit la princesse, seigneur, est-il rien de si terrible ? — Que vous deveniez la victime de ce monstre, répliqua le roi, est-il, rien de si affreux ? — Mourons donc ensemble continua-t-elle. — Laissez-moi, ma princesse, la consolation de mourir pour vous. — Je consens plutôt, dit-elle au Nain, à ce que vous souhaitez. — À mes yeux ! reprit le roi, à mes yeux, vous en ferez votre époux, cruelle princesse ! la vie me serait odieuse. — Non, dit le Nain Jaune, ce ne sera point à tes yeux que je deviendrai son époux ; un rival aimé m’est trop redoutable. »