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GRACIEUSE

teaux, où elle ne fût plus exposée aux fureurs de sa marâtre.

Le roi, incerlain si elle lui disait vrai, envoya déterrer la bûche, et demeura bien étonné de la malice de Grognon. Tout autre que lui l’aurait fait mettre à la place ; mais c’était un pauvre homme faible qui n’avait pas le courage de se fâcher tout de bon : il caressa beaucoup sa fille, et la fit souper avec lui. Quand les créatures de Grognon allèrent lui dire le retour de la princesse, et qu’elle soupait avec le roi, elle commença de faire la forcenée ; et courant chez lui, elle lui dit qu’il n’y avait point à balancer, qu’il fallait lui abandonner cette friponne, ou la voir partir dans le même moment pour ne revenir de sa vie ; que c’était une supposition de croire qu’elle fût la princesse Gracieuse ; qu’à la vérité elle lui ressemblait un peu, mais que Gracieuse s’était pendue, qu’elle l’avait vu de ses yeux, et gue si l’on ajoutait foi aux impostures de celle-ci, c’était manquer de considération et de confiance pour elle. Le roi, sans dire un mot, lui abandonna l’infortunée princesse, croyant ou feignant de croire que ce n’était pas sa fille.

Grognon, transportée de joie, la traina, avec le secours de femmes, dans un cachot, où elle la fit déshabiller. On lui ôta ses riches habits, et on la couvrit d’un pauvre guenillon de grosse toile, avec des sabots à ses pieds et un capuchon de bure sur sa tête : à peine lui donna-t-on un peu de paille pour se coucher, et du pain bis.