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SERPENTIN

les charger de présens ; car encore que les fées fussent bien riches, elles voulaient toujours qu’on leur donnât quelque chose ; et cette coutume a passé depuis chez tous les peuples de la terre, sans que le temps l’ait détruite.

La reine appela sa fille aînée Laidronette, et la cadette Bellotte. Ces noms leur convenaient parfaitement bien, car Laidronette devenait si affreuse que, quelqu’esprit qu’elle eût, il était impossible de la regarder ; sa sœur embellissait, et paraissait toute charmante, de sorte que Laidronette, ayant déjà douze ans, vint se jeter aux pieds du roi et de la reine, pour les prier de lui permettre de s’aller renfermer dans le château des solitaires, afin de cacher sa laideur et de ne les point désoler plus long-temps ; ils ne laissaient pas de l’aimer malgré sa difformité, de sorte qu’ils eurent quelque peine d’y consentir ; mais Bellotte leur restait ; c’était assez de quoi les consoler.

Laidronette pria la reine de n’envoyer avec elle que sa nourrice et quelques officiers pour la servir. « Vous ne devez pas craindre, ma dame, lui dit-elle, que l’on m’enlève, et je vous avoue, qu’étant faite comme je suis, je voudrais éviter jusqu’à la lumière du jour. » Le roi et la reine lui accordèrent ce qu’elle demandait : elle fut conduite dans le château qu’elle avait choisi. Il était bâti depuis plusieurs siècles ; la mer venait jusque sous les fenêtres, et lui servait de canal ; une vaste forêt voisine fournissait des promenades, et plusieurs prairies en