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VERT.

terminaient la vue. La princesse jouait des instrumens et chantait divinement bien : elle demeura deux ans dans cette agréable solitude, où elle fit même quelques livres de réflexions ; mais l’envie de revoir le roi et la reine l’obligea de monter en carrosse, et d’aller à la cour. Elle arriva justement comme on allait marier la princesse Bellote ; tout était dans la joie : lorsqu’on vit Laidronnette, chacun prit un air chagrin ; elle ne fut embrassée ni caressée par aucun de ses parens ; et, pour tout régal, on lui dit qu’elle était fort enlaidie, et qu’on lui conseillait de ne pas paraître au bal ; que cependant si elle avait envie de le voir, on pourrait lui ménager quelque petit trou pour le regarder. Elle répondit qu’elle n’était venue ni pour danser, ni pour entendre des violons : qu’il y avait si long-temps qu’elle était dans le château solitaire qu’elle n’avait pu s’empêcher de le quitter pour rendre ses respects au roi et à la reine : qu’elle connaissait avec une vive douleur, qu’ils ne pouvaient la souffrir ; qu’ainsi elle allait retourner dans son désert, où les arbres, les fleurs et les fontaines de lui reprochaient point sa laideur, lorsqu’elle s’en approchait. Quand le roi et la reine virent qu’elle était si fâchée, ils lui dirent, en se faisant quelque violence, qu’elle pouvait rester deux ou trois jours auprès d’eux. Mais comme elle avait du cœur, elle répliqua qu’elle aurait trop de peine à les quitter, si elle passait ce temps en si bonne compagnie. Ils souhaitaient trop qu’elle s’en allât, pour la retenir ; ils lui dirent donc froidement qu’elle avait raison.