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VERT.

tant toujours au gré des vents, vint se briser contre un rocher ; il n’en resta pas deux pièces de bois ensemble. La pauvre princesse sentit que toute sa philosophie ne pouvait tenir contre un péril si évident ; elle trouva quelques morceaux de bois, qu’elle crut prendre entre ses bras ; et se sentant soulevée, elle arriva heureusement au pied de ce grand rocher. Hélas ! que devint elle, quand elle vit qu’elle embrassait étroitement Serpentin Vert ? Comme il s’aperçut de la frayeur épouvantable qu’elle avait, il s’éloigna un peu et lui cria : « Vous me craindriez moins, si vous me connaissiez dayantage ; mais il est de la rigueur de ma destinée d’effrayer tout le monde. » Il se jeta aussitôt dans l’eau, et Laidronette resta seule sur un rocher d’une grandeur prodigieuse.

De quelque côté qu’elle pût jeter les yeux, elle ne vit rien qui adoucit son désespoir ; la nuit s’approchait : elle n’avait aucunes provisions pour manger, et ne savait où se retirer. « Je croyais, dit-elle tristement, finir mes jours dans la mer : sans doute c’est ici leur dernier période ; quelque monstre marin viendra me dévorer, ou le manque de nourriture m’ôter la vie, » Elle s’assit au plus haut du rocher ; tant qu’il fit jour, elle regarda la mer ; et lorsque la nuit fut tout-à-fait venue, elle ôta sa jupe de taffetas zinzolin, elle se couvrit la tête et le visage ; puis elle resta ainsi bien inquiète de ce qui s’allait passer.

Enfin elle s’endormit, et il lui sembla qu’elle entendait divers instrumens ; elle demeura per-