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SERPENTIN

est si forte, que nous enflons, et c’est proprement une hydropisie de rire, dont nous guérissons dès que nous sommes ici. » La princesse admirait le bon esprit de la gente pagodine ; car effectivement l’on pourrait bien enfler de rire, s’il fallait rire de toutes les impertinences que l’on voit.

Il n’y avait point de soir que l’on ne jouât une des plus belles pièces de Corneille ou de Molière. Le bal était très-fréquent ; les plus petites figures, pour tirer avantage de tout, dansaient sur la corde afin d’être mieux vues ; au reste, les repas qu’on servait à la princesse pouvaient passer pour des festins de fête solennelle. On lui apportait des livres sérieux, de galans, d’historiques ; enfin, les jours s’écoulaient comme des momens, quoiqu’à la vérité toutes ces pagodes si spirituelles lui parussent d’une petitesse insupportable ; car il arrivait souvent qu’allant à la promenade, elle en mettait une trentaine dans ses poches pour l’entretenir ; c’était la plus plaisante chose du monde de les entendre caqueter avec leurs petites voix plus claires que celles des marionnettes.

Il arriva une fois que la princesse ne dormant point, disait : « Que deviendrai-je ? serai-je toujours ici ? Ma vie se passe plus agréablement que je n’aurais osé l’espérer ; cependant il manque quelque chose à mon cœur ; j’ignore ce que c’est ; mais je commence à sentir que cette suite des mêmes plaisirs, qui n’est variée par aucuns événemens, me semble insipide. — Eh ! princesse,