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VERT.

infiniment d’esprit et de bonté, elle faisait si bien que toutes les petites créatures qui l’approchaient demeuraient charmées de ses manières.

Tous les jours à son lever elle avait de nouveaux habits, nouvelles dentelles, nouvelles pierreries ; c’était grand dommage qu’elle fût si laide ; mais cependant elle qui ne pouvait se souffrir, commença de se trouver moins désagréable, par le grand soin que l’on prenait de la parer. Il n’y avait point d’heure où quelques pagodes n’arrivassent et ne lui rendissent compte des choses les plus secrètes et les plus curieuses qui se passaient dans le monde, des traités de paix, des ligués pour faire la guerre, trahisons et ruptures d’amans, infidélités de maîtresses, désespoirs, racommodemens, héritiers déçus, mariages rompus, vieilles veuves qui se remariaient fort mal à propos, trésors découverts, banqueroutes ; fortunes faites en un moment ; favoris tombés, siéges de places, maris jaloux, femmes coquettes mauvais enfans, villes abimées : enfin que ne venaient-ils pas dire à la princesse pour la réjouir ou pour l’occuper ? Il y avait quelquefois des pagodes qui avaient le ventre si enflé, et les joues si bouffies, que c’était une chose surprenante. Quand elle leur demandait pourquoi ils étaient ainsi, ils lui disaient : « Comme il ne nous est pas permis de rire, ni de parler dans le monde, et que nous y voyons faire sans cesse des choses toutes risibles et des sottises presqu’intolérables, l’envie d’en railler