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VERT.

dans votre mérite ; ce n’est pas cela aussi qui m’oblige à me cacher, j’en ai des sujets si tristes, que si vous les saviez, vous ne pourriez me refuser votre pitié. » La princesse alors pressait la voix de s’expliquer ; mais la voix ne parlait plus ; elle entendait seulement pousser de longs soupirs ; toutes ces choses l’inquiétaient ; quoique ce fût un amant inconnu et caché, il lui rendait mille soins ; à joindre que le lieu où elle était lui faisait souhaiter une compagnie plus convenable que celle des pagodes. Cela fut cause qu’elle commença de s’ennuyer partout, la voix seule de son invisible avait le pouvoir de l’occuper agréablement.

Une des nuits la plus obscure de l’année, où elle était endormie, elle s’aperçut en se réveillant que quelqu’un était assis proche de son lit ; elle crut que c’était la pagodine de perles qui ayant plus d’esprit que les autres, venait quelquefois l’entretenir. La princesse avança les bras pour la prendre, mais on lui prit la main, on la serra, on la baisa, quelques larmes tombèrent dessus, on était si saisi qu’on ne pouvait parler ; elle ne douta point que ce ne fût le roi invisible : « Que me voulez-vous donc, lui dit-elle en soupirant, puis-je vous aimer sans vous connaître et sans vous voir ? — Ah ! madame, répondit-on, quelles conditions attachez-vous à la douceur de vous plaire ? Il m’est impossible de me laisser voir. La méchante Magotine qui vous a joué un si mauvais tour, est la même qui m’a condamné à une pénitence de sept ans ; il y