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GRACIEUSE

nant, cassant mille fils pour un, elle demeura si interdite, qu’elle ne voulut pas seulement tenter d’en rien dévider, et le jetant au milieu de la place : « Va, dit-elle, fil fatal, tu seras cause de ma mort : ah ! Percinet, Percinet ! si mes rigueurs ne vous ont point trop rebuté, je ne demande pas que vous me veniez secourir, mais tout au moins venez recevoir mon dernier adieu. Là-dessus elle se mit à pleurer si amèrement, que quelque chose moins sensible qu’un amant en aurait été touché. Percinet ouvrit la porte avec la même facilité que s’il en eût gardé la clef dans sa poche. « Me voici, ma princesse, lui dit il, toujours prêt à vous servir, je ne suis point capable de vous abandonner, quoique vous reconnaissiez mal ma passion. » Il frappa trois coups de sa baguette sur l’écheveau, les fils aussitôt se rejoignirent les uns aux autres ; et en deux autres coups tout fut dévidé d’une propreté surprenante. Il lui demarda si elle souhaitait encore quelque chose de lui, et si ne l’appellerait jamais que dans ses détresses. « Ne me faites point de reproches, beau Percinet, dit-elle, je suis déjà assez malheureuse. Mais, ma princesse, il ne tient qu’à vous de vous affranchir de la tyrannie dont vous êtes la victime ; venez avec moi, faisons notre commune félicité. Que craignez-vous ? — Que vous ne m’aimiez pas assez, répliqua-t-elle : je veux que le temps me confirme vos sentimens. » Percinet, outré de ses soupçons, prit congé d’elle et la quitta.