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VERT.

impossible, je vais essayer de vous obéir. » On la conduisit aussitôt dans le fond d’une grotte très-obscure, on la ferma avec une grosse pierre après lui avoir donné un pain bis et une cruche d’eau.

Lorsqu’elle voulut filer cette crasseuse toile d’araignée, son fuseau trop pesant tombait cent et cent fois en terre ; elle eut la patience de le ramasser autant, et de recommencer l’ouvrage à plusieurs reprises ; mais c’était toujours inutilement. « Je connais bien à cette heure, dit-elle, l’excès de mon malheur, je suis livrée à l’implacable Magotine ; elle n’est pas contente de m’avoir dérobé toute ma beauté, elle veut trouver des prétextes pour me faire mourir. » Elle se prit à pleurer, repassant dans son esprit l’état heureux dont elle venait de jouir dans le royaume de Pagodie, et jetant sa quenouille par terre : « Que Magotine vienne quand il lui plaira, dit-elle, je ne sais point faire l’impossible. » Elle entendit une voix qui lui dit : « Ah ! reine, votre curiosité trop indiscrète vous coûte les larmes que vous répandez ; cependant il n’y a pas moyen de voir souffrir ce que l’on aime ; j’ai une amie dont je ne vous ai point encore parlé : elle se nomme fée Protectrice ; j’espère qu’elle vous sera d’un grand secours. » Aussitôt on frappa trois coups, et sans qu’elle vît personne, sa quenouille fut filée et dévidée. Au bout de deux heures, Magotine, qui cherchait noise, fit ôter la pierre de la grotte, et elle y entra suivie d’un nombreux cortège de marionnettes. « Voyons, voyons, dit-elle, l’ou-