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SERPENTIN

pu supporter les siens avec quelque sorte de patience ; mais lorsqu’elle pensait à l’état où il était réduit, elle ne pouvait se pardonner son indiscrète curiosité. Le temps étant venu de partir du bois de la montagne, elle en avertit ses petits conducteurs les fidèles serins, qui l’assurèrent d’un heureux retour : elle se déroba pendant une nuit, pour éviter des adieux et des regrets qui lui auraient coûté quelques larmes, car elle était fort touchée de l’amitié et de la déférence que tous ces animaux raisonnables lui avaient témoignées.

Elle n’oublia ni la cruche pleine d’eau de discrétion, ni la corbeille de trèfle ni les souliers de fer, et dans le temps où Magotine la croyait morte elle se présenta tout d’un coup devant elle la meule du moulin au cou, les souliers de fer aux pieds, et la cruche à la main. Cette fée, en la voyant poussa un grand cri, elle lui demanda ensuite d’où elle venait. « Madame, lui dit-elle, j’ai passé trois ans à puiser de l’eau dans la cruche percée, au bout desquels j’ai trouvé le moyen d’y en faire tenir. » Magotine s’éclata de rire, songeant à la fatigue que cette pauvre reine avait eue ; mais la regardant plus attentivement : « Qu’est ce que ceci, s’écria-t-elle, Laidronette est devenue toute charmante ! où donc avez-vous pris cette beauté ? » La reine lui raconta qu’elle s’était lavée de l’eau de discrétion, et que ce prodige s’était fait. À ces nouvelles, Magotine jeta de désespoir sa cruche par terre. « Ô puissance qui me brave,