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GRACIEUSE

Ces plumes étaient mêlées les unes parmi les autres ; les oiseaux même n’auraient pu les reconnaître. « Voici, dit la fée, en parlant à Grognon, de quoi éprouver l’adresse et la patience de votre prisonnière ; commandez-lui de trier ces plumes, de mettre celles des paons à part, des rossignols à part, et qu’ainsi de chacune elle fasse un monceau : une fée y serait assez nouvelle. » Grognon pâma de joie, en se figurant l’embarras de la malheureuse princesse ; elle l’envoya querir, lui fit ses menaces ordinaires, et l’enferma avec la tonne dans la chambre des trois serrures, lui ordonnant que tout l’ouvrage fût fini au coucher du soleil,

Gracieuse prit quelques plumes ; mais il lui était impossible de connaître la différence des unes aux autres : elles les rejeta dans la tonne. Elle les prit encore, elle essaya plusieurs fois ; et voyant qu’elle tentait une chose impossible : « Mourons, dit-elle d’un ton et d’un air désespéré ; c’est ma mort que l’on souhaite, c’est elle qui finira mes malheurs ; il ne faut plus appeler Percinet à mon secours ; s’il m’aimait, il serait déjà ici. — J’y suis, ma prinsesse, s’écria Percinet en sortant du fond de la tonne où il était caché, j’y suis pour vous tirer de l’embarras où vous êtes ; doutez, après tant de preuves de mon attention, que je vous aime plus que ma vie. » Aussitôt il frappa trois coups de sa baguette, et les plumes sortant à milliers de la tonne, se rangeaient d’elles-mêmes par petits monceaux tout autour de la