Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
ET PERCINET.

chambre. « Que ne vous dois-je point, seigneur ? lui dit Gracieuse, sans vous j’allais succomber ; soyez certain de toute ma reconnaissance. » Le prince n’oublia rien pour lui persuader de prendre une ferme résolution en sa faveur : elle lui demanda du temps, et quelque violence qu’il se fît, il lui accorda ce qu’elle voulait.

Grognon vint ; elle demeura si surprise de ce qu’elle voyait, qu’elle ne savait plus qu’imaginer pour désoler Gracieuse : elle ne laissa pas de la battre disant que les plumes étaient mal arrangées. Elle envoya querir la fée et se mit dans une colère horrible contr’elle. La fée ne savait que lui répondre ; elle demeurait confondue. Enfin elle lui dit qu’elle allait employer toute son industrie à faire une boite qui embarrasserait bien sa prisonnière si elle s’avisait de l’ouvrir ; et quelques jours après elle lui apporta une boîte assez grande. « Tenez, dit-elle à Grognon, envoyez porter cela quelque part par votre esclave : défendez-lui bien de l’ouvrir, elle ne pourra s’en empêcher, et vous serez contente. » Grognon ne manqua à rien. « Portez cette boite, dit-elle, à mon riche château et la mettez sur la table du cabinet ; mais je vous défends, sous peine de mourir, de regarder ce qui est dedans. »

Gracieuse partit avec ses sabots, son habit de toile et son capuchon de laine ; ceux qui la rencontraient disaient : Voilà quelque déesse déguisée ; car elle ne laissait pas d’être d’une beauté merveilleuse. Elle ne marcha guère sans