Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/384

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
372
LA GRENOUILLE

devait arriver : que n’aurait-elle pas fait, pour que le destin, d’intelligence avec elle, en eût ordonné autrement ! Mais elle résolut au moins de combattre son pouvoir de tout le sien.

Elle bâtit au milieu du lac de vif-argent un palais de cristal qui voguait comme l’onde ; elle y renferma la pauvre reine et sa fille ; ensuite elle harangua tous les monstres qui étaient amoureux de Moufette : « Vous perdrez cette belle princesse, leur dit-elle, si vous ne vous intéressez avec moi à la défendre contre un chevalier qui vient pour l’enlever. » Les monstres promirent de ne rien négliger de ce qu’ils pouvaient faire ; ils entourèrent le palais de cristal ; les plus légers se placèrent sur le toit et sur les murs ; les autres aux portes, et le reste dans le lac.

Le roi étant conseillé par sa fidèle bague, fut d’abord à la caverne de la fée ; elle l’attendait sous sa figure de lionne. Dès qu’il parut, elle se jeta sur lui : il mit l’épée à la main avec une valeur qu’elle n’avait pas prévue, et comme elle allongeait une de ses pattes pour le terrasser, il la lui coupa à la jointure ; c’était justement au coude. Elle poussa un grand cri, et tomba ; il s’approcha d’elle, il lui mit le pied sur la gorge, il jura par sa foi, qu’il l’allait tuer ; et malgré son invulnérable furie, elle ne laissa pas d’avoir peur. « Que me veux-tu ? lui dit-elle. Que me demandes-tu ? — Je veux te punir, répliqua-t-il fièrement, d’avoir enlevé ma femme, et je veux t’obliger à me la rendre ou je t’étranglerai tout-à-l’heure.