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BIENFAISANTE.

Jette les yeux sur ce lac, dit-elle, vois si elle est en mon pouvoir. » Le roi regarda du côté qu’elle lui montrait, il vit la reine et sa fille dans le château de cristal, qui voguait sans rames et sans gouvernail comme une galère, sur le vif-argent.

Il pensa mourir de joie et de douleur : il les appela de toute sa force, et il en fut entendu ; mais où les joindre ? Pendant qu’il en cherchait les moyens, la fée Lionne disparut.

Il courait le long des bords du lac : quand il était d’un côté prêt à joindre le palais transparent, il s’éloignait d’une vitesse épouvantable ; et ses espérances étaient ainsi toujours déçues. La reine, qui craignait qu’à la fin il ne se lassât, lui criait de ne point perdre courage, que la fée Lionne voulait le fatiguer ; mais qu’un véritable amour ne peut être rebuté par aucunes difficultés. Là-dessus, elle et Moufette lui tendaient les mains, prenaient des manières suppliantes. À cette vue, le roi se sentait pénétré de nouveaux traits ; il élevait la voix ; il jurait par le Styx et l’Achéron de passer plutôt le reste de sa vie dans ces tristes lieux que d’en partir sans elles.

Il fallait qu’il fût doué d’une grande persévérance, car il passait bien mal son temps. La terre, pleine de ronces et couverte d’épines, lui servait de lit ; il ne mangeait que des fruits sauvages, plus amers que du fiel, et il avait sans cesse des combats à soutenir contre les monstres du lac. Un mari, qui tient cette conduite pour