Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
33
ET PERCINET.

cher. Percinet, s’écria-t-elle, Percinet, s’il est possible que vous aimiez encore une princesse si imprudente, venez m’aider dans la rencontre la plus fâcheuse de ma vie. > Percinet ne se fit pas appeler jusqu’à trois fois ; elle l’aperçut avec son riche habit vert. « Sans la méchante Grognon, lui dit-il, belle princesse, vous ne penseriez jamais à moi. — Ah ! jugez mieux de mes sentimens répliqua-t-elle, je ne suis ni insensible au mérite, ni ingrate aux bienfaits ; il est vrai que j’éprouve votre constance, mais c’est pour la couronner quand j’en serai convaincue. » Percinet, plus content qu’il eût encore été, donna trois coups de baguette sur la boîte ; aussitôt petits hommes, petites femmes, violons, cuisiniers et rôti, tout s’y plaça comme s’il ne s’en fût pas déplacé. Percinet avait laissé dans le bois son chariot ; il pria la princesse de s’en servir pour aller au riche château : elle avait bien besoin de cette voiture en l’état où elle était ; de sorte que la rendant invisible, il la mena lui-même et il eut le plaisir de lui tenir compagnie ; plaisir auquel ma chronique dit qu’elle n’était pas indifférente dans le fond de son cœur ; mais elle cachait ses sentimens avec soin.

Elle arriva au riche château ; et quand elle demanda de la part de Grognon qu’on lui ouvrit son cabinet, le gouverneur éclata de rire. « Quoi, lui dit-il, tu crois, en quittant tes moutons, entrer dans un si beau lieu ; va, retourne où tu voudras, jamais sabots n’ont