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GRACIEUSE

se lasser beaucoup. En passanť dans un petit bois, qui était bordé d’une prairie agréable elle s’assit pour respirer un peu ; elle tenait la boite sur ses genoux et tout d’un coup l’envie la prit de l’ouvrir. « Qu’est-ce qui m’en peut arriver, disait-elle ? Je n’y prendrai rien, mais tout au moins je verrai ce qui est dedans. » Elle ne réfléchit pas davantage aux conséquences, elle l’ouvrit ; et aussitôt il en sortit une in finité de petits hommes et de petites femmes, de violons, d’instrumens, de petites tables, de petits cuisiniers, de petits plats ; enfin le géant de la troupe était haut comme le doigt. Ils sautent dans le pré, ils se séparent en plusieurs bandes, et commencent le plus joli bal que l’on ait jamais vu. Les uns dansaient, les autres faisaient la cuisine et les autres mangeaient : les petits violons jouaient à merveille. Gracieuse prit d’abord quelque plaisir à voir une chose si extraordinaire ; mais quand elle fut un peu délassée, et qu’elle voulut les obliger de rentrer dans la boîte, pas un seul ne le voulut ; les petits messieurs et les petites dames s’enfuyaient, les violons de même, et les cuisiniers avec leurs marmites sur leurs têtes et les broches sur l’épaule, gagnaient le bois quand elle entrait dans le pré, et passaient dans le pré quand elle venait dans le bois. « Curiosité trop indiscrète, disait Gracieuse en pleurant, tu vas être bien favorable à mon ennemie ! le seul malheur dont je pouvais me garantir m’arrive par ma faute : non, je ne puis assez me le repro-