Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/391

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
379
BIENFAISANTE.

en pourrait arriver de plus grands malheurs. À ces mots la reine s’évanouit, et la princesse en aurait fait autant, s’il n’eût fallu qu’elle secourût sa mère.

Ces tristes nouvelles furent à peine répandues dans le palais que toute la ville le sut ; l’on n’en tendait que des pleurs et des gémissemens, car Moufette était adorée. Le roi ne pouvait se résoudre à la donner au géant ; et le géant, qui avait déjà attendu plusieurs jours, commençait à se lasser, et menaçait d’une manière terrible. Cependant le roi et la reine disaient : « Que nous peut-il arriver de pis ? Quand le dragon du lac viendrait nous dévorer, nous ne serions pas plus affligés ; si l’on met notre Moufette en pâté, nous sommes perdus. » Là-dessus le géant leur dit qu’il avait reçu des nouvelles de son maître, et que si la princesse voulait épouser un neveu qu’il avait, il consentait à la laisser vivre ; qu’au reste ce neveu était beau et bien fait ; qu’il était prince, et qu’elle pourrait vivre fort contente avec lui.

Cette proposition adoucit un peu la douleur de leurs majestés ; la reine parla à la princesse mais elle la trouva beaucoup plus éloignée de ce mariage que de la mort : « Je ne suis point capable, lui dit-elle, madame, de conserver ma vie par une infidélité ; vous m’avez promise au prince Moufy, je ne serai jamais à d’autre : laissez-moi mourir ; la fin de ma vie assurera le repos de la vôtre. » Le roi survint : il dit à sa fille tout ce que la plus forte tendresse peut faire imaginer ;