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LA GRENOUILLE

pour remonter sur son cheval, et puis c’étaient des canonnades et des feux grégeois qui n’ont jamais rien eu de semblable. Enfin le dragon perdit ses forces, il tomba, et le prince lui donna un coup dans le ventre qui lui fit une épouvantable blessure ; mais ce qu’on aura peine à croire, et qui est pourtant aussi vrai que le reste du conte, c’est qu’il sortit par cette large blessure un prince le plus beau et le plus charmant que l’on ait jamais vu ; son habit était de velours bleu à fond d’or, tout brodé de perles ; il avait sur la tête un petit morion à la grecque, ombragé de plumes blanches. Il accourut les bras ouverts, et embrassant le prince Moufy : « Que ne vous dois-je pas, mon généreux libérateur ! lui dit-il ; vous venez de me délivrer de la plus affreuse prison où jamais un souverain puisse être renfermé : j’y avais été condamné par la fée Lionne ; il y a seize ans que j’y languis ; et son pouvoir était tel, que malgré ma propre volonté, elle me forçait à dévorer cette adorable princesse : menez-moi à ses pieds, pour que je lui explique mon malheur. »

Le prince Moufy, surpris et charmé d’une aventure si étonnante, ne voulut céder en rien aux civilités de ce prince ; ils se hâtèrent de joindre la belle Moufette, qui rendait de son côté mille grâces aux dieux pour un bonheur si inespéré. Le roi, la reine et toute la cour étaient déjà auprès d’elle ; chacun parlait à la fois, personne ne s’entendait ; l’on pleurait presque autant de joie, que l’on avait pleuré de