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BIENFAISANTE.

sur le prince ; mais l’épée de dix-huit aunes était d’une si bonne trempe, qu’il la maniait comme il voulait, la lui enfonçant quelquefois jusqu’à la garde, ou s’en servant comme d’un fouet. Le prince n’aurait pas laissé de sentir l’effort de ses griffes, sans l’habit de diamant, qui était impénétrable.

Moufette l’avait reconnu de fort loin ; car le diamant qui le couvrait était fort brillant et clair, de sorte qu’elle fut saisie de la plus mortelle appréhension dont un maîtresse puisse être capable ; mais le roi et la reine commencèrent à sentir dans leur cœur quelques rayons d’espérance, car il était fort extraordinaire de voir un cheval à trois têtes, à douze pieds, qui jetait feu et flammes, et un prince dans un étui de diamans, armé d’une épée formidable, venir dans un moment si nécessaire, et combattre avec tant de valeur. Le roi mit son chapeau sur sa canne, et la reine attacha son mouchoir au bout d’un bâton, pour faire des signes au prince et l’encourager. Toute leur suite en fit autant. En vérité il n’en avait pas besoin, son cœur tout seul, et le péril où il voyait sa maîtresse, suffisaient pour l’animer.

Quels efforts ne fit-il point ! la terre était couverte des dards, des griffes, des cornes des ailes et des écailles du dragon ; son sang coulait par mille endroits, il était tout bleu, et celui du cheval était tout vert ; ce qui faisait une nuance singulière sur la terre. Le prince tomba cinq fois, il se releva toujours, il prenait son temps