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LA BICHE

le trouver, parce qu’il est environné de nuées fort épaisses que l’œil d’une personne mortelle ne peut pénétrer ; cependant comme je suis votre très-humble servante, si vous voulez vous fier à la conduite d’une pauvre écrevisse, je m’offre de vous y mener. »

La reine l’écoutait sans l’interrompre : la nouveauté de voir parler une écrevisse l’ayant fort surprise, elle lui dit qu’elle accepterait avec plaisir ses offres, mais qu’elle ne savait pas aller en reculant comme elle. L’écrevisse sourit, et sur-le-champ elle prit la figure d’une belle petite vieille : « Hé bien ! madame, lui dit-elle ; n’allons pas à reculons, j’y consens ; mais surtout regardez-moi comme une de vos amies, car je ne souhaite que se qui peut vous être avantageux. »

Elle sortit de la fontaine sans être mouillée, ses habits étaient blancs, doublés de cramoisi, et ses cheveux gris tout renoués de rubans verts. Il ne s’est guère vu de vieille dont l’air fût plus galant : elle salua la reine, et elle en fut embrassée ; et sans tarder davantage, elle la conduisit dans une route du bois qui surprit cette princesse ; car, encore qu’elle y fût venue mille et mille fois, elle n’était jamais entrée dans celle-là. Comment y serait-elle entrée ? c’était le chemin des fées pour aller à la fontaine : il était ordinairement fermé de ronces et d’épines ; mais quand la reine et sa conductrice parurent, aussitôt les rosiers poussèrent des roses, les jasmins et les orangers en-