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AU BOIS.

Les fées prirent elles-mêmes la petite princesse sur leurs genoux, elles l’emmaillottèrent, et lui donnèrent plus de cent baisers ; car elle était déjà si belle qu’on ne pouvait la voir sans l’aimer. Elles remarquèrent qu’elle avait besoin de téter ; aussitôt elles frappèrent la terre avec leur baguette, il parut une nourrice telle qu’il la fallait pour cet aimable poupard. Il ne fut plus question que de douer l’enfant : les fées s’empressèrent de le faire ; l’une la doua de vertu, l’autre d’esprit ; la troisième d’une beauté miraculeuse ; celle d’après, d’une heureuse fortune ; la cinquième lui désira une longue santé ; et la dernière, qu’elle fit bien toutes les choses qu’elle entreprendrait.

La reine, ravie les remerciait mille et mille fois des faveurs qu’elles venaient de faire à la petite princesse, lorsque l’on vit entrer dans la chambre une si grosse écrevisse, que la porte fut à peine assez large pour qu’elle pût passer : « Ha ! trop ingrate reine, dit l’écrevisse, vous n’avez donc pas daigné vous souvenir de moi ? Est-il possible que vous ayez sitôt oubliée la fée de la fontaine, et les bons offices que je vous ai rendus en vous menant chez mes sœurs ? Quoi ! vous les avez toutes appelées, je suis la seule que vous négligez ; il est certain que j’en avais un pressentiment, et c’est ce qui m’obligea de prendre la figure d’une écrevisse, lorsque je vous parlai la première fois, voulant marquer par-là que votre amitié au lieu d’avancer reculerait. »