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LA BICHE

La reine, inconsolable de la faute qu’elle avait faite, l’interrompit, et lui demanda pardon : elle lui dit qu’elle avait cru nommer sa fleur comme celle des autres ; que c’était le bouquet de pierreries qui l’avait trompée ; qu’elle n’était pas capable d’oublier les obligations qu’elle lui avait, qu’elle la suppliait de ne lui point ôter son amitié et particulièrement d’être favorable à la princesse. Toutes les fées, qui craignaient qu’elle ne la douât de misères et d’infortunes, secondèrent la reine pour l’adoucir : « Ma chère sœur, lui disaient-elles que votre altesse ne soit point fâchée contre une reine qui n’a jamais eu dessein de vous déplaire : quittez de grâce, cette figure d’écrevisse, faites que nous vous voyions avec tous vos charmes. »

J’ai déjà dit que la fée de la fontaine était assez coquette ; les louanges que ses sœurs lui donnèrent l’adoucirent un peu. « Hé bien, dit elle, je ne ferai pas à Désirée tout le mal que j’avais résolu ; car assurément j’avais envie de la perdre, et rien n’aurait pu m’en empêcher : cependant je veux bien vous avertir que si elle voit le jour avant l’âge de quinze ans, elle aura lieu de s’en repentir ; il lui en coûtera peut-être la vie. » Les pleurs de la reine et les prières des illustres fées ne changèrent point l’arrêt qu’elle venait de prononcer : elle se retira à reculons ; car elle n’avait pas voulu quitter sa robe d’écrevisse.

Dès qu’elle fut éloignée de la chambre, la triste reine demanda aux fées, un moyen pour préserver sa fille des maux qui la menaçaient.