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AU BOIS.

qu’elle pouvait trouver dans un lieu si désert : elle y resta toute seule pendant plusieurs jours.

La fée Tulipe, qui avait toujours aimé cette princesse, ressentait vivement son malheur ; mais elle avait un véritable dépit que la reine et elle eussent fait si peu de cas de ses avis, car elle leur dit plusieurs fois que si la princesse partait avant que d’avoir quinze ans, elle s’en trouverait mal : cependant elle ne voulait point l’abandonner aux furies de la fée de la fontaine, et ce fut elle qui conduisit les pas de Giroflée vers la forêt, afin que cette nouvelle confidente pût la consoler dans sa disgrâce.

Cette belle biche passait doucement le long d’un ruisseau, quand Giroflée, qui ne pouvait presque marcher, se coucha pour se reposer. Elle rêvait tristement de quel côté elle pourrait aller trouver sa chère princesse. Lorsque la Biche l’aperçut, elle franchit tout d’un coup le ruisseau, qui était large et profond, elle vint se jeter sur Giroflée et lui faire mille caresses. Elle en demeura surprise : elle ne savait si les bêtes de ce canton avaient quelque amitié particulière pour les hommes, qui les rendissent humaines, ou si elle la connaissait ; car enfin il était fort singulier qu’une biche s’avisât de faire si bien les honneurs de la forêt.

Elle la regarda attentivement, et vit avec une extrême surprise, de grosses larmes qui coulaient de ses yeux : elle ne douta plus que ce ne fût sa chère princesse. Elle prit ses pieds, elle les baisa avec autant de respect et de ten-