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AU BOIS.

je veux que tu m’aimes. » Il semblait, à l’entendre, qu’un secret génie lui inspirait tout ce qu’il disait à Bichette. Enfin l’heure de revenir chez sa vieille hôtesse approchait ; il se chargea de sa chasse, et n’était pas médiocrement embarrassé à la porter, à la mener, et quelquefois à la traîner. Elle n’avait aucune envie d’aller avec lui. « Qu’est-ce que je vais devenir, disait-elle ? Quoi ! je me trouverai toute seule avec ce prince ! Ah ! mourons plutôt. » Elle faisait la pesante et l’accablait ; il était tout en eau de tant de fatigue ; et quoiqu’il n’y eût pas loin pour se rendre à la petite maison, il sentait bien que sans quelques secours il n’y pourrait arriver. Il fut querir son fidèle Becafigue ; mais avant que de quitter sa proie, il l’attacha avec plusieurs rubans au pied d’un arbre, dans la crainte qu’elle ne s’enfuit.

Hélas ! qui aurait pu penser que la plus belle princesse du monde serait un jour traitée ainsi par un prince qui l’adorait ? Elle essaya inutilement d’arracher les rubans, ses efforts les nouèrent plus serrés, et elle était prête de s’étrangler avec un nœud coulant qu’il avait malheuoreusement fait, lorsque Giroflée, lasse d’être toujours enfermée dans sa chambre, sortit pour prendre l’air, et passa dans le lieu où était la biche blanche qui se débattait. Que devint-elle, quand elle aperçut sa chère maîtresse ! elle ne pouvait se hâter assez de la défaire, les rubans étaient noués par différens endroits. Enfin le prince arriva avec Becafigue, comme elle allait emmener la biche.