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LA BICHE

« Quelque respect que j’aie pour vous, ma dame, lui dit le prince, permettez-moi de m’opposer au larcin que vous voulez me faire ; j’ai blessé cette biche, elle est à moi, je l’aime, je vous supplie de m’en laisser le maître. — Seigneur, répliqua civilement Giroflée (car elle était bien faite et gracieuse), la biche que voici est à moi avant que d’être à vous ; je renoncerais plutôt à ma vie qu’à elle, et si vous voulez voir comme elle me connaît, je ne vous demande que de lui donner un peu de liberté.

« Allons, ma petite Blanche, dit-elle, embrassez- moi. » Bichette se jeta à son cou. « Baisez-moi la joue droite. » Elle obéit. « Touchez mon cœur. » Elle y porta le pied. « Soupirez. » Elle soupira. Il ne fut plus permis au prince de douter de ce que Giroflée lui disait : « Je vous la rends, lui dit-il honnêtement ; mais j’avoue que ce n’est pas sans chagrin. » Elle s’en alla aussitôt avec sa biche.

Elles ignoraient que le prince demeurait dans leur maison ; il les suivait d’assez loin, et demeura surpris de les voir entrer chez la vieille bonne femme. Il s’y rendit fort peu après elles, et poussé d’un mouvement de curiosité, dont biche blanche était cause il lui demanda qui était cette jeune personne, elle répliqua qu’elle ne la connaissait pas, qu’elle l’avait reçue chez elle avec sa biche, qu’elle la payait bien et qu’elle vivait dans une grande solitude. Becafigue s’informa en quel lieu était sa chambre ; elle lui dit que c’était si proche de la