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LA CHATTE

que dans ce lieu-là. Les lits étaient de gaze, rattachés par mille nœuds de rubans. C’étaient de grandes glaces depuis le plafond jusqu’au parquet, et les bordures d’or ciselé représentaient mille petits Amours.

Le prince se coucha sans dire mot, car il n’y avait pas moyen de faire conversation avec les mains qui le servaient ; il dormit peu, et fut réveillé par un bruit confus. Les mains aussitôt le tirèrent de son lit, et lui mirent un habit de chasse. Il regarda dans la cour du château et aperçut plus de cinq cents chats, dont les uns menaient des levriers en lesse, les autres sonnaient du cor ; c’était une grande fête, Chatte Blanche allait à la chasse ; elle voulait que le prince y vînt. Les officieuses mains lui présentèrent un cheval de bois qui courait à toute bride, et qui allait le pas à merveille ; il fit quelque difficulté d’y monter, disant qu’il s’en fallait beaucoup qu’il ne fût chevalier errant, comme dom Quichotte ; mais sa résistance ne servit de rien, on le planta sur le cheval de bois. Il avait une housse et une selle en broderie d’or et de diamans. Chatte Blanche montait un singe, le plus beau et le plus superbe qui se soit encore vu ; elle avait quitté son grand voile, et portait un bonnet à la dragonne, qui lui donnait un petit air si résolu, que toutes les souris du voisinage en avaient peur. Il ne s’est jamais fait une chasse plus agréable ; les chats couraient plus vite que les lapins et les lièvres, de sorte que lorsqu’ils en prenaient, Chatte Blanche faisait faire la curée devant elle, et il s’y passait mille