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LA CHATTE

Chatte composait des vers et des chansonnettes d’un style si passionné, qu’il semblait qu’elle avait le cœur tendre et que l’on ne pouvait parler comme elle faisait, sans aimer ; mais son secrétaire, qui était un vieux chat, écrivait si mal qu’encore que ses ouvrages aient été conservés, il est impossible de les lire.

Le prince avait oublié jusqu’à son pays. Les mains dont j’ai parlé continuaient de le servir. Il regrettait quelquefois de n’être pas chat, pour passer sa vie dans cette bonne compagnie. « Hélas ! disait— il à Chatte Blanche, que j’aurai de douleur de vous quitter ; je vous aime si chèrement ! Ou devenez fille., ou rendez-moi chat. » Elle trouvait son souhait fort plaisant, et ne lui faisait que des réponses obscures où il ne comprenait presque rien.

Une année s’écoule bien vite quand on n’a ni souci ni peine, qu’on se réjouit et qu’on se porte bien. Chatte Blanche savait le temps ou il devait retourner, et comme il n’y pensait plus, elle l’en fit souvenir. « Sais-tu, dit-elle, que tu n’as que trois jours pour chercher le petit chien que le roi ton père souhaite, et que tes frères en ont trouvé de fort beaux ? » Le prince revint à lui, et s’étonnant de sa négligence : « Par quel charme secret, s’écria-t-il, ai-je oublié la chose du monde qui m’est la plus importante ? Il y va de ma gloire et de ma fortune. Où prendrai-je un chien tel qu’il me le faut pour gagner le royaume, et un cheval assez diligent pour faire tant de chemin ? » Il commença de s’inquiéter et s’affligea beaucoup.