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LA CHATTE

amande ; alors il s’éleva un grand bruit dans la chambre, l’on n’entendait autre chose, sinon : « Le prince cadet est la dupe de l’aventure. » Il ne répondit rien aux mauvaises plaisanteries des courtisans, il ouvre l’amande, et trouve un grain de blé, puis dans le grain de blé un grain de millet. Ho ! c’est la vérité qu’il commença à se défier, et marmotta entre ses dents : « Chatte Blanche, Chatte Blanche, tu t’es moquée de moi. » Il sentit dans ce moment la griffe d’un chat sur sa main dont il fut si bien égratigné, qu’il en saignait. Il ne savait si cette griffade était faite pour lui donner du cœur, ou pour lui faire perdre courage ; et cependant il ouvrit le grain de millet, et l’étonnement de tout le monde ne fut pas petit, quand il en tira une pièce de toile de quatre cents aunes, si merveilleuse, que tous les oiseaux, les animaux et les poissons y étaient peints avec les arbres, les fruits et les plantes de la terre ; les rochers, les raretés et les coquillages de la mer, le soleil, la lune, les étoiles, les astres et les planètes des cieux : il y avait encore le portrait des rois et des autres souverains qui régnaient pour lors dans le monde. Celui de leurs femmes, de leurs maîtresses, de leurs enfans et de tous leurs sujets, sans que le plus petit polisson y fût oublié. Chacun dans son état faisait le personnage qui lui convenait, et vêtu à la mode de son pays. Lorsque le roi vit cette pièce de toile, il devint aussi pâle que le prince était devenu rouge de la chercher si long-temps. L’on présenta l’aiguille, elle y passa et repassa six