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LA CHATTE

gouttières, pour le féliciter par un miaulage désespéré.

« Hé bien, fils de roi, lui dit-elle, te voilà donc encore revenu sans couronne ? — Madame, répliqua-t-il, vos bontés m’avaient mis en état de la gagner ; mais je suis persuadé que le roi aurait plus de peine à s’en défaire, que je n’aurais de plaisir à la posséder. — N’importe, dit-elle, il ne faut rien négliger pour la mériter, je te servirai dans cette occasion ; et puisqu’il faut que tu mènes une belle fille à la cour de ton père, je t’en chercherai quelqu’une qui te fera gagner le prix ; cependant réjouissons-nous ; j’ai ordonné un combat naval entre mes chats et les terribles rats de la contrée. Mes chats seront peut-être embarrassés, car ils craignent l’eau ; mais aussi ils auraient trop d’avantages, et il faut autant qu’on le peut, égaliser toutes choses. » Le prince admira la prudence de madame Minette. Il la loua beaucoup, et fut avec elle sur une terrasse qui donnait vers la mer.

Les vaisseaux des chats consistaient en de grands morceaux de liége, sur lesquels il voguaient assez commodément. Les rats avaient, joint plusieurs coques d’œufs, et c’étaient là leurs navires. Le combat s’opiniâtra cruellement ; les rats se jetaient dans l’eau, et nageaient bien mieux que les chats, de sorte que vingt fois ils furent vainqueurs et vaincus ; mais Minagrobis, amiral de la flotte chatonique, réduisit la gente ratonnienne dans le dernier désespoir. Il mangea à belles-dents le général de