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BLANCHE.

leur flotte ; c’était un vieux rat expérimenté, qui avait fait trois fois le tour du monde dans de bons vaisseaux, où il n’était ni capitaine, ni matelot, mais seulement croque-lardon.

Chatte Blanche ne voulut pas qu’on détruisit absolument ces pauvres infortunés. Elle avait de la politique, et songeait que s’il n’y avait plus ni rats ni souris dans le pays, ses sujets vivraient dans une oisiveté qui pourrait lui devenir préjudiciable. Le prince passa cette année comme il avait fait les deux autres, c’est-à-dire à la chasse, à la pêche, au jeu ; car Chatte Blanche jouait fort bien aux échecs. Il ne pouvait s’empêcher de temps en temps de lui faire de nouvelles questions, pour savoir par quel miracle elle parlait. Il lui demandait si elle était fée, ou si par une métamorphose on l’avait rendue Chatte ; mais comme elle ne disait jamais que ce qu’elle voulait bien dire, elle ne répondait aussi que ce qu’elle voulait bien répondre, et c’était tant de petits mots qui ne signifiaient rien, qu’il jugea aisément qu’elle ne voulait pas partager son secret avec lui.

Rien ne s’écoule plus vite que des jours qui se passent sans peine et sans chagrin, et si la Chatte n’avait pas été soigneuse de se souvenir du temps où il fallait retourner à la cour, il est certain que le prince l’avait absolument oublié. Elle l’avertit la veille, qu’il ne tiendrait qu’à lui d’emmener une des plus belles princesses qui fût dans le monde, que l’heure de détruire le fatal ouvrage des fées était à la fin