Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/582

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fortune. En passant dans une forêt très dangereuse elle fut volée, de sorte qu’il ne lui resta presque plus rien. Cette pauvre princesse plus chagrine de ce dernier malheur que de tous ceux qui l’avaient précédé, connut bien qu’il fallait gagner sa vie ou mourir de faim. Elle avait aimé autrefois la bonne chère, et savait faire des sauces excellentes. Elle n’allait jamais sans sa petite cuisine d’or, que l’on venait voir de bien loin. Ce qu’elle avait fait pour se divertir, elle le fit alors pour subsister. Elle s’arrêta proche d’une grande ville, dans une maison fort jolie : elle y faisait des ragoûts merveilleux : l’on était friand dans ce pays-là, de sorte que tout le monde accourait chez elle. L’on ne parlait que de la bonne fricasseuse, à peine lui donnait-on le temps de respirer. Cependant ses trois filles devenaient grandes, et leur beauté n’aurait pas fait moins de bruit que les sauces de la princesse, si elle ne les avait cachées dans une chambre, d’où elles sortaient très rarement.

Un jour des plus beaux de l’année, il entra chez elle une petite vieille qui paraissait bien lasse : elle s’appuyait sur un bâton : son corps était tout courbé, et son visage plein de rides. « Je viens, dit-elle, afin que vous me fassiez un bon repas, car je veux, avant que d’aller en l’autre monde, pouvoir m’en vanter en celui-ci. » Elle prit une chaise de paille, se mit auprès du feu, et dit à la princesse de se haler. Comme elle ne pouvait pas tout faire, elle appela ses trois filles : l’aînée avait nom Roussette,