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LA BELLE

bec il lui donna si juste dans les yeux qu’il les creva ; son sang coulait sur son visage, il était comme un désespéré, frappant de tous côtés. Avenant l’évitait, et lui portait de grands coups d’épée qu’il enfonçait jusqu’à la garde, et qui lui faisaient mille blessures, par où il perdit tant de sang qu’il tomba. Aussitôt Avenant lui coupa la tête bien ravi d’avoir été si heureux ; et le corbeau qui s’était perché sur un arbre, lui dit : « Je n’ai pas oublié le service que vous me rendites en tuant l’aigle qui me poursuivait ; je vous promis de m’en acquitter, je crois l’avoir fait aujourd’hui. C’est moi qui vous doit tout, monsieur du Corbeau, répliqua Avenant, je demeure votre serviteur. » Il monta aussitôt à cheval, chargé de l’épouvantable tête de Galifron.

Quand il arriva dans la ville, tout le monde le suivait, et criait : « Voici le brave Avenant, qui vient de tuer le monstre. » De sorte que la princesse qui entendit bien du bruit, et qui tremblait qu’on lui vint apprendre la mort d’Avenant, n’osait demander ce qui lui était arrivé ; mais elle vit entrer Avenant avec la tête du géant, qui ne laissa pas de lui faire encore peur, bien qu’il n’y eût plus rien à craindre. « Madame, lui dit-il, votre ennemi est mort, j’espère que vous ne refuserez plus le roi mon maître. Ah ! si fait, dit la Belle aux Cheveux d’Or, je le refuserai, si vous ne trouvez moyen, avant mon départ, de m’apporter de l’eau de la grotte ténébreuse.