Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/600

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achèverait un ouvrage de lacis qu’elle avait envie de finir.

Il lut cette aventure, et ce ne fut pas sans une grande inquiétude qu’il vit une peinture naïve de tous ses sentiments. Belle Étoile n’était pas moins surprise, il semblait que l’auteur avait lu tout ce qui se passait dans son âme ; plus Chéri lisait, plus il était touché ; plus la princesse l’écoutait, plus elle était attendrie ; quelque effort qu’elle pût faire, ses yeux se remplirent de larmes, et son visage en était couvert. Chéri se faisait de son côté une violence inutile : il pâlissait, il changeait de couleur et de son de voix ; ils souffraient l’un et l’autre tout ce qu’on peut souffrir : « Ha ! ma sœur, s’écria-t-il en la regardant tristement et laissant tomber son livre, ha ! ma sœur, qu’Hyppolite fut heureux de n’être pas le frère de Julie !

— Nous n’aurons pas une semblable satisfaction, répondit-elle, hélas ! nous est-elle moins due ? » En achevant ces mots, elle connut qu’elle en avait trop dit, elle demeura interdite, et si quelque chose put consoler le prince, ce fut l’état où il la vit. Depuis ce moment, ils tombèrent l’un et l’autre dans une profonde tristesse sans s’expliquer davantage : ils pénétraient une partie de ce qui se passait dans leurs âmes ; ils s’étudièrent pour cacher à tout le monde un secret qu’ils auraient voulu ignorer eux-mêmes, et duquel ils ne s’entretenaient point. Cependant il est si naturel de se flatter, que la princesse ne laissait pas de compter pour beaucoup