Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/609

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votre pouvoir et qui n’en reconnaîtra jamais d’autre n’est pas né pour les crimes : c’en serait un de vous aimer comme je fais si vous étiez ma sœur ; mais la charitable sirène qui nous est venue conseiller m’a confirmé ce que j’avais là-dessus dans l’esprit. – Ha ! mon frère, répliqua-t-elle, ne vous fiez point trop à une chose qui est encore si obscure que nous ne la pouvons pénétrer : quelle serait notre destinée si nous irritions les dieux par des sentiments qui pourraient leur déplaire ? La sirène s’est si peu expliquée, qu’il faut avoir bien envie de deviner pour nous appliquer ce qu’elle a dit.

— Vous vous en défendez, cruelle, dit le prince affligé, bien moins par le respect que vous avez pour les dieux, que par aversion pour moi. » Belle Étoile ne lui répliqua rien, et levant les yeux au ciel, elle poussa un profond soupir qu’il ne put s’empêcher d’expliquer en sa faveur.

Ils étaient dans la saison où les jours sont longs et brûlants ; vers le soir la princesse et ses frères montèrent sur le tillac pour voir coucher le soleil dans le sein de l’onde ; elle s’assit ; les princes se placèrent auprès d’elle ; ils prirent des instruments et commencèrent leur agréable concert. Cependant le vaisseau poussé par un vent frais semblait voguer plus légèrement, et se hâtait de doubler un petit promontoire qui cachait une partie de la plus belle ville du monde, mais tout d’un coup elle se découvrit, son aspect étonna notre aimable jeunesse : tous les palais en étaient de marbre, les couvertures dorées,