Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/633

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L’amour peut surmonter le cœur le plus rebelle,

Ne cessez point d’être amoureux.

Vous qui suivez les lois d’une beauté cruelle,

Aimez, persévérez, et vous serez heureux.

« Ha ! s’écria-t-il, répondant à ces vers, quelle charmante prédiction, je puis espérer d’être un jour plus content que je ne le suis ; l’on vient de me l’annoncer. » La Tourterelle ne lui dit rien là-dessus, elle n’était pas née babillarde, et ne parlait que pour les choses indispensablement nécessaires. À mesure qu’il avançait, la beauté de la musique augmentait : et quelque empressement qu’il eût, il était quelquefois si ravi qu’il s’arrêtait, sans pouvoir penser à rien qu’à écouter : mais la vue du terrible dragon qui partit tout d’un coup avec ses douze pieds et plus de cent griffes, les trois têtes et son corps de bronze le retira de cette espèce de léthargie ; il avait senti le prince de fort loin, et l’attendait pour le dévorer comme tous les autres, dont il avait fait des repas excellents : leurs os étaient rangés autour du pommier où était la belle Pomme ; ils s’élevaient si haut qu’on ne pouvait la voir.

L’affreux animal s’avança en bondissant ; il couvr[ai]t la terre d’une écume empoisonnée très dangereuse ; il sortait de sa gueule infernale du feu et des petits dragonneaux qu’il lançait comme des dards dans les yeux et les oreilles des chevaliers errants qui voulaient emporter la Pomme. Mais lorsqu’il vit son effrayante figure, multipliée cent et cent fois dans tous les miroirs du prince,