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L’OISEAU

elle, qui avait eu le meilleur de tous les maris, elle faisait bien son compte de pleurer tant qu’il lui resterait des yeux à la tête. Là-dessus, elle redoubla ses cris, et le roi à son exemple se mit à pleurer.

Il la reçut mieux que les autres, il l’entretint des belles qualités de sa chère défunte, et elle renchérit sur celles de son cher defunt : ils causèrent tant et tant, qu’ils ne savaient plus que dire sur leur douleur. Quand la fine veuve vit la matière presqu’épuisée, elle leva un peu ses voiles, et le roi affligé se récréa la vue à regarder cette pauvre afligée qui tournait et retournait fort à propos deux grands yeux bleus, bordés de longues paupières noires ; son teint était assez fleuri. Le roi la considéra avec beaucoup d’attention ; peu à peu il parla moins de sa femme puis il n’en parla plus du tout. La veuve disait qu’elle voulait toujours pleurer son mari, le roi la pria de ne point immortaliser son chagrin. Pour conclusion, l’on fut tout étonné qu’il l’épousa, et que le noir se changea en vert et en couleur de rose. Il suffit très-souvent de connaître le faible des gens pour entrer dans leur cœur, et pour en faire tout ce que l’on veut.

Le roi n’avait eu qu’une fille de son premier mariage, qui passait pour la huitième merveille du monde ; on la nommait Florine, parce qu’elle ressemblait à Flore, tant elle était fraîche, jeune et belle. On ne lui voyait guère d’habits magnifiques ; elle aimait les robes de taffetas volant, avec quelques agrafes de pierreries et forces guir-