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FINETTE CENDRON.

Quand il fut jour, et que Finette connut que sa mère n’y était plus, elle éveilla ses sœurs : Nous voici seules, dit-elle, la reine s’en est allée. Fleur-d’Amour et Belle-de-Nuit se prirent à pleurer : elles arrachaient leurs cheveux, et meurtrissaient leur visage à coups de poings. Elles s’écriaient : « Hélas ! qu’allons-nous faire ? Finette était la meilleure fille du monde ; elle eut encore pitié de ses sœurs. Voyez à quoi je m’expose, leur dit-elle ; car lorsque ma marraine m’a donné le moyen de revenir, elle m’a défendu de vous enseigner le chemin et que si je lui désobéissais, elle ne voulait plus me voir. Belle-de-Nuit se jette au cou de Finette, autant en fit Fleur-d’Amour ; elles la caressèrent si tendrement, qu’il n’en fallut pas davantage pour revenir toutes trois ensemble chez le roi et la reine.

Leurs Majestés furent bien surprises de revoir les princesses ; elles en parlèrent toute la nuit, et la cadette, qui ne se nommait pas Fine-Oreille pour rien, entendait qu’ils faisaient un nouveau complot, et que le lendemain, la reine se remettrait en campagne. Elle courut éveiller ses sœurs. Hélas ! leur dit-elle, nous sommes perdues ! la reine veut absolument nous mener dans quelque désert, et nous y laisser. Vous êtes cause que j’ai fâché ma marraine, je n’ose l’aller trouver comme je faisais toujours. Elles restèrent bien en peine, et se disaient l’une à l’autre : Que ferons-nous, ma sœur, que ferons-nous ? Enfin, Belle-de-Nuit dit aux deux autres : Il ne faut pas s’embarrasser, la vieille Merluche n’a pas tant d’esprit qu’il n’en reste un peu aux autres : nous n’avons qu’à nous charger de pois ; nous les sèmerons le long du chemin et nous reviendrons.